Balade à deux sur la plage au coucher du soleil

L'inconvénient, dans un hôtel comme celui dans lequel je travaille, c'est qu'on doit satisfaire toutes les lubies des clients. Même la lubie la plus grotesque qui soit : se balader en calèche parsemée de pétales de roses rouge sur la plage, au coucher du soleil. Enfin, ils vont se marier, alors ils ont le temps de déchanter. N'empêche: les roses, le champagne, les fraises, il y a difficilemeent plus ringard. Mais ils se dévorent des yeux, et je trouve ça assez mignon. Les chevaux sont heureux de sortir et finalement, il fait bon, en cette fin de soirée. C'est plutôt agréable. La calèche à trois chevaux, c'est une super idée. Ca permet de se promener dans le sable avec la calèche, tout simplement. A deux, les chevaux se seraient épuisés. Et j'aime beaucoup la dernière arrivée, c'est une jument adorable, et très courageuse.
Je tourne la tête, pour voir si les clients sont contents. Ils s'embrassent et ne regardent qu'eux. C'est qu'ils doivent aimer!

(Lou) C'est un rêve, cette île. Le ciel, la plage, la mer qui se mélangent dans une couleur orange qui vire au rouge. Même les chevaux sont orange et nous filons sur la plage comme si cet instant de bonheur éternel devait ne jamais finir. Et avec ça les fraises, le champagne... Ce sont les plus beaux jours de ma vie. Notre mariage va être sublime. Je me fais l'impression d'être une princesse.

(Laurent) Je n'ai pas vu grand chose du début de notre balade, ce qu'elle eput être belle, Lou, dans ce soleil. Ses cheveux blonds sont roux et ça lui donne un air irréel. Je passe mon bras derrière elle et me laisse gagner par la magie de l'instant. Soudain, j'ai une idée:

-Cocher! Excusez-moi, est-ce qu'on pourrait passer dans l'eau?

Il se retourne et me regarde avec un air d'incompréhension totale: "I'm sorry. I don't speak french...". C'est vrai, notre interprète n'est pas avec nous... Quelle galère! Je tente, dans un anglais plus qu'approximatif:

-Excuse me but can we go in the water?

C'est sûrement très mauvais, j'ai un vague souvenir du fait qu'il aurait fallu que je mette un "do" quelque part, mais il a compris, c'est l'essentiel. Il hoche la tête et dit, dans un sourire "Sure!". La calèche effleure l'écume des vagues et, comme s'il lisait dans mes pensées, le cocher lance l'attelage au galop. La vitesse, l'eau qui éclabousse tout autour de nous de goutelettes orange c'est incroyable. Lou pousse des cris d'exitation et je me dis que c'était vraiment une très bonne idée de se marier ici, plutôt qu'à Chantilly. Moins guindé, plus romantique. Lou m'hurle, pour couvrir le buit de l'eau:

-Je t'adore!

Et nous nous réembrassons passionément, au rythme des foulées des chevaux.

Les chevaux au galop sur la plage au soleil couchant et les amoureux qui s'embrassent, on se croirait dans un film. Plus cliché, tu meurs. Mais c'est sûrement ça, être amoureux, pour les français. Le pays de l'amour et du romantisme, ça doit bien déteindre un peu sur les habitants. Il nous manque juste l'accordéon et on y est. Dommage, je n'ai pas de poste à musique. faudrait songer à demander le sien à Cedrik. Je souris, incapable de me retenir. Je n'aime pas les clichés, mais il faut bien reconnaître que la calèche et les chevaux blancs, ça insite aussi à se laisser aller à la gimauve. Et ça s'embrasse toujours derrière. Heureusement que mes chevaux sont bien entrainés. Au petit galop, ils peuvent tenir des heures. Et je me surpends encore à voir l'allant et la bonne volonté d'Ulalie. C'est elle qui entraine les deux autres. J'ai bien fait de l'acheter, c'est une jument de tête admirable.

*Je suis sortie prendre l'air et je me retrouve presque sans le vouloir, sur une magnifique plage. On dirait une carte postale! J'ai grandi avec ces paysages autour de moi, et pourtant, je n'arrive pas à m'y faire et à considérer cette beauté comme normale, que ce soit sur Duma Key ou ici. C'est simplement magique. Perdue dans mes réflexions, je pose, presque par hasard, les yeux sur une calèche non loin de moi. Une très belle voiture. Pourtant, loin de nourrir mes rêves, cette vision les achève dans un éclat de rire. Une calèche, filant dans le soleil couchant, avec sans doute un jeune couple dedans, c'est si... Pourtant, malgré cette parenthèse fort amusante, mon rire me semble sonner creux. Un poids m'oppresse, celui là même auquel je voulais faire prendre l'air en venant ici. Alan arrive dans deux jours, je suppose que ça n'ira pas mieux avant de toute façon...*

La balade prend fin, et nous rentrons à l'écurie, au trot. Les chevaux sont trempés de sueur et d'eau salée, ils avancent gaiement, et je me surprends à siffloter. Sympa, cette balade, bien qu'un peu kitch. Les clients descendent, ravis:

-Merci, merci beaucoup! Thank you, Thank you very much!

Et ils s'ne vont, main dans la main, dans l crépuscule qui tombe. Je souris dans le noir et saute de mon siège:

-Allez, les trois, on rentre.

Je passe une bonne demi-heure à dételer les chevaux et à les nettoyer. Je les rentre à l'écurie avec une bonne ration et me dirige vers le box de Gael. Il m'attend pour une promenade. Je le sors, le prépare, et repars. Il doit être 20 heures, et le fond de l'air est encore doux. Le soleil a disparu depuis longtemps derrière l'horizon. Je retourne sur la plage, au petit trot. gael a de l'énergie à revendre, et ce n'est pas une balade de deux heures dans la matinée qui va l'achever pour la journée.

Je pensais être seul, je tombe sur une jeune femme qui regarde la mer, seule.

-Bonjour. C'est beau, n'est-ce pas? Vous restez combien de temps?

Elle ne ressemble pas aux clients de l'hôtel, et surtout pas aux clientes, qui se fardent comme pour aller danser quand elles mettent un pied hors de la chambre. Mais je ne l'ai jamais vue avant, alors elle doit juste être différente des autres clients.

- Bonjour! Enfin, bonsoir! Oui, c'est superbe!

*Combien de temps je reste? Malheureusement, je n'ai pas de boule de cristal pour le dire... J'aimerais pouvoir me persuader que je vais faire l'affaire, que tout ce qu'il s'est passé à Duma ne venait que de la bêtise bornée de mes voisins, mais à dire vrai... Je n'en sais rien. Je ne suis pas restée en poste suffisemment longtemps pour le dire avec précision.*

- Combien de temps? Mmm, ma foi, ça dépendra des patrons. Je m'appelle Nancy Holbrook, je suis ici pour prendre la suite du Révérend Johnson. Et il me semble aussi qu'on m'a parlé d'une galerie d'art... Vous êtes ici depuis longtemps?

Ok, ce n'est pas une cliente. Je souris:

-Ah, ok, je t'avais prise pour une cliente! Moi c'est Andrew, enchanté! Tu sais, les patrons sont cool, du moment que tu fais ton boulot, pas de soucis. Et les clients ne sont pas trop pénibles en règle générale! Je suis le responsable des écuries! Tu montes un peu ou pas du tout?

Je me rends compte que j'ai squizzé une question:

-Je suis là depuis quelques années maintenant. Avant je travaillais dans une écurie de course. C'est bien plus calme ici. Et les chevaux sont beaucoup plus heureux. mais c'est normal. Tu ne fais pas galoper en rond les chevaux comme des fous sans les stresser un maximum.

Je m'égare, là. mes dissertations sur les chevaux de course n'intéressent que moi. J'enchaîne:

-Tu vas aussi t'occuper de la galerie d'art? Elle est en ville, un peu plus loin. C'est fermé en ce moment. Elle va ouvrir avec toi alors. Il n'y avait personne jusque là. Et toi, tu viens d'où?

Gael attend, immobile comme une statue de bronze. La première fois que j'ai vu ce cheval, je suis resté deux heures devant, tellement il m'impressionnait.

- Eh bien, en réalité, je ne monte pas du tout... Je n'ai jamais vraiment eu l'occasion. Il n'y avait que des chevaux de propriétaires sur Duma et c'est un sport qui ne m'a jamais attirée au point de me faire rejoindre le continent pour le pratiquer. En revanche, j'aime énormément les chevaux. Je viens d'une petite île, Duma Key alors je pense que je n'aurai pas trop de mal à me faire à l'endroit.

*Il parait que les insulaires ont une façon très particulière de vivre et que les gens ayant longtemps vécu sur le continent n'arrivent jamais vraiment à s'intégrer sur une île. Je ne saurais le dire, je n'ai finalement vécu qu'à Duma.*

- Tu viens d'où toi? Tu n'as pas eu trop de mal à te faire au fait de vivre sur une ïle à l'année? J'ai entendu dire que la plupart des gens qui ne sont pas habitués ressentent ça comme des marins qui passeraient de longs mois sur un bateau sans jamais descendre à terre! C'est vrai?

-Duma key? C'est où, ça? En Irlande?

Je ne sais pas pourquoi je pense à l'Irlande, mais c'est un nom étrange, qui a quelque chose de mystérieux, alors pourquoi pas de celtique. Il parait que j'ai des origines irlandaises, de par ma mère. Alors pourquoi pas!

-Moi, je viens des Etats Unis, du Montana au départ. C'est clair que le climat est carrément à l'opposée. J'ai travaillé aussi à Washington, dans une écurie de course réputée. Et puis je suis venu ici.

Je réfléchis à sa question:

-C'est vrai qu'au début, c'était très dur de rester sur une île. Mais c'est très diversifié, comme paysages. Et puis je suis tranquille, avec les chevaux, et on ne tourne pas en rond. Disons que je tourne moins en rond que quand j'entrainais les chevaux de course. Ces chevaux là n'ont pas le droit de sortir, alors comme on travaille 18 heures par jours, on ne sort pas beaucoup non plus. Tout ça pour dire que je m'y suis bien fait. Et puis la vie est douce ici! Ca ne te dit pas, d'essayer de monter, un jour?