Une drôle d'organisation

Il est 7h du matin, et l'hôtel est déjà une vraie fourmilière. Ou plutôt, est encore, une fourmilière. Les livreurs, les femmes de ménage,... Dans dix minutes, tout ce petit monde aura disparu pour laisser place nette à la clientèle de l'hôtel. J'aime ce moment de frénésie, avant que la journée ne commence. J'interpelle le fleuriste:

-Mettez les roses blanches dans les vases en ivoire, sur les guéridons, et les orchidées dans la bibliothèque. Est-ce que vous avez reçu les lys, pour le mariage?
-Pas encore, ils doivent arriver demain.
-A la première heure, j'espère! Il faudra qu'on les contrôle avant le mariage, histoire de pouvoir en commander d'autres s'ils posent problème. le mariage est dans une semaine, je vous le rappelle.

Ce n'est pas la première fois qu'on organise un mariage ici, mais à chaque fois, c'est un nouveau challenge. Le client doit toujours être satisfait, et d'autant plus lorsqu'il s'agit d'un mariage. Il faut que ce soit féérique. Et ce mariage ci, pour le coup, c'est un vrai mariage de contes de fée! Des roses, des lys, la calèche, le cheval blanc, le festin, les deux cents invités,... Il va même falloir faire venir des colombes pour un lâcher de colombes en bonne et due forme! Il y a encore beaucoup de choses à préparer, en seulement une semaine, et d'autres clients à contenter! Mais c'est ça qui me plait, cette agitation perpétuelle.

J'embrasse Guillaume et lui file vers les cuisines tandis que je fonce vers Ellen.

-Ellen, je voulais te voir. Les deux futurs mariés m'ont dit qu'ils voulaient Florent Pagny pour leur mariage, en plus des artistes qu'on avait déjà prévus. Ils ont eu une envie subite, en écoutant le cd hier...

En règle générale, ce type de demande ne pose aucun problème. Mais là, c'est une question de timing. Une semaine avant, c'est un peu just... Mais on a déjà invité Florent Pagny ici, et ça va aller, je pense. C'est quelqu'un de sympa et je crois qu'il a adoré l'île!

Ellen hoche la tête et je fais volte face pour aller donner des instruction à Gabriel, qui court partout comme une oie sans tête, avec ses fleurs dans les mains. Être fleuriste ici, ce n'est pas de tout repos...

-Gabriel...
-Pas le temps, pas le temps!
-Il me faut du lilas rose pour la suite 3! Dans des vases transparents non colorés!
-Vous allez me tuer!

Je souris, moitié désolée, moitié amusée:

-Certainement! Mais les gens en vacances adorent s'offrir des fleurs, c'est bien connu! Et là, les roses ne conviennent pas à mes clients mexicains. c'est comme ça!

Il secoue une main, pour dire qu'il va s'en occuper. Parfait! Il ne me manque plus qu'une chose à voir avant de m'occuper de mes clients français qui vont se marier. Je cherche Agatha des yeux. Mais où est la réceptionniste?

*Tout à coup, sans savoir trop comment, je suis dans une pièce où règne une agitation incroyable. Je venais d'un extérieur d'un calme olympien et là, on se croirait dans l'antichambre de l'enfer! J'espère que ça ne sera pas comme ça tout le temps! Il est vrai que je suis beaucoup plus habituée au calme de mon temple... Enfin, de mon ANCIEN temple... Il va falloir que je m'y fasse... Je ne suis plus dans ma petite ville avec son petit temple et sa petite galerie d'art... Je sens que je vais regretter Duma Key moi...*

-Salut!

J'interpelle une jeune femme qui se tient debout, au milieu du hall. Elle a l'air un peu perdue.

-Vous avez besoin d'aide? Vous cherchez quelqu'un peut-être?

Et soudain, je me fais la réflexion qu'elle est peut-être le nouveau pasteur de l'île. Le dernier n'a pas fait long feu, avec ses grandes déclamations sur la pauvreté d'âme des gens riches...

-Attendez, attendez... Vous êtes le nouveau pasteur, non? Si je peux me permettre, vous êtes beaucoup plus agréable à regarder que l'ancien! Moi c'est Cedrik!

Je lui tends ma main.

Il est à peine 7h du matin, et je suis en pleine forme, très heureux du début de journée, j'adore toute cette agitation.
Cependant, je remarque quelque chose qui ne me plait vraiment pas, il nous manque la réceptionniste. Et aujourd'hui, c'est Agatha, elle a intérêt à avoir une bonne raison, sinon, elle va à la porte.

- Quelqu'un a vu Agatha ?

-Ah Gary! Tu tombes bien. Les futurs mariés veulent Florent Pagny pour leur mariage. J'appelle ce matin. Et oui, j'ai remarqué qu'Agatha n'était pas là. Ce n'est pas normal, ni même souhaitable. Les clients vont commencer à descendre.

En effet, il doit maintenant être près de 8h et j'entends déjà du bruit dans l'escalier. Lord Thiburd et sa femme.

-Tant pis pour Agatha, j'appelle Lou pour qu'elle vienne le plus vite possible.

En attendant, je me mest derrière le comptoir. Si Agatha pense que je n'ai que ça à faire, de la remplacer au pied levé... Et bingo, Lord Thiburd s'apporche de la réception:

-Bonjour, Madame. J'aurais besoin d'un jet privé pour me rendre à l'opéra ce soir. Pouvez-vous aussi me réserver les billets pour La Traviata?
-Mais très certainement, je m'en occupe de suite, Lord Thiburd.

Il repart, ravi. Moi, je suis de plus en plus énervée. Agatha va passer un mauvais quart d'heure, c'est moi qui vous le dis. j'ai un mariage sur les bras à organiser et je suis là à prendre les réservations, il y a une erreur quelque part!

*Je me retourne vers la voix qui m'interpelle.*

- Oui, dis-je légèrement soulagée, je suis le nouveau pasteur.

*J'ai conscience que c'est assez incongru, des femmes pasteurs, il y en a, mais peu. Je doute que cet établissement ait eu autre chose que des hommes.*

- En fait, on m'a demandé de me présenter ici aujourd'hui, je suppose que je devais rencontrer la vice-présidente.

*Me rappellant subitement ma condition humaine et celle de mon interlocuteur, je me présente*

- Je suis désolée, je ne vous ai même pas donné mon nom, je suis impardonnable! Je m'appelle Nancy. Nancy Holbrook.

*J'ai encore du mal à me faire au nom de mon mari, il y a peu, j'étais encore Nancy Drew.*

- Et vous?

- Bon Ellen, laisse moi la place, je vais attendre Lou et toi, continue à t'occuper du mariage, je prends les réclamations et les demandes. Tu n'as pas à faire ca.

Bon, il faut que je me mette à la recherche d'une nouvelle réceptionniste, Lou prend les horaires d'Agatha si elle le souhaite, mais il me faut quelqu'un pour les horaires de Lou, qui devient la nouvelle réceptionniste principale.

- Je m'occupe de Florent Pagny aussi, du recrutement d'une nouvelle réceptionniste et après, je revient vers toi pour faire un point sur le mariage.

En effet, ca m'étonnerait que ce soit déjà fini ce matin.

-Moi c'est Cedrik. Ca ne te dit pas qu'on se tutoie? Je suis le prof de danse. C'est bien, que tu sois arrivée. On a un mariage dans une semaine, Ellen commençait à devenir un peu nerveuse. Tu étais où, avant?

J'apperçois soudain Ellen qui sort de derrière la réception. Je la montre à Nancy:

-Tiens, c'est elle que tu cherches, la vice-directrice.

Je me dirige en courant vers la réception. Agatha n'est pas là, je ne sais pas ce qui a bien pu lui arriver. Ailleurs, ok, il y a les embouteillages, mais ici, c'est tranquille, pas de raison d'être en retard... Je vois le patron derrière la réception. Ok, c'est la crise, là! Je fonce:

-C'est bon, je suis là!

Je m'installe en deux temps trois mouvements. Elle abuse, Agatha, les clients arrivent en masse maintenant. Mme Ratherbone et son... Copain, bon ami, que sais-je! arrive en roucoulant:

-Serait-il possible de réserver le spa pour cet après-midi.
-Bien sûr madame, 14 heures?
-Plutôt 16h, avant nous allons déguster des homards. Pas vrai mon chouchou d'amour?

Le chouchou d'amour hoche la tête. Mec musclé, 20 ans de moins, normal.

-D'accord madame, 16h, c'est noté.
-Vous êtes un amour.

Et elle disparait.

A peine arrivée, Lou prend les demandes d'une cliente, elle est beaucoup plus efficace qu'Agatha. J'avais déjà pris la décision de la déclasser, il fallait que j'en parle à Ellen avant d'officialiser la nouvelle, cette fois, ce sera encore pire pour elle puisqu'elle va devoir nous quitter dès aujourd'hui. Je me rapproche d'Ellen et lui glisse.

- Ellen, j'ai décidé de promouvoir Lou en tant qui responsable des réceptionnistes et de renvoyer Agatha, si tu es d'accord, j'officialise la nouvelle auprès des deux dès aujourd'hui.

Je ne vois pas comment elle pourrait ne pas être d'accord, mais on prend les décisions à deux et même pour une cause entendue d'avance, je préfère lui demander son avis, juste au cas où...

Je hoche la tête: ça fait bien longtemps que je me dis qu'Agatha est inefficace. Je n'aime pas avoir à prendre de telles décisions, mais il va falloir qu'Agatha nous quitte. Trop de retards injustifiés, pas assez de rapidité d'exécution. C'est un hôtel de luxe, pas un motel...

-C'est entendu. Tiens, et bien justement, voilà la princesse au petit pois. Juste une heure et demi de retard...

- Je suis d'accord pour le tutoiement! En fait je viens de Duma Key! J'y ai grandi, et j'étais pasteur là-bas. Mais la plus grande part de mon activité résidait dans la gestion de la galerie d'art. Elle n'est pas immense, mais elle accueille des oeuvres extrêmement prestigieuses ainsi que des toiles de nouveaux peintres.

*Ce prof de danse me parait tout à fait sympathique. Il est également fort beau. Pas beau en fait, pas vraiment, mais il a un charme certain. Non pas que j'ai une quelconque envie de flirter avec lui, loin de là, mais tout de même, il est charmant. Coupant court à des divagations qui m'ont valu l'exil il y a peu, je me concentre sur les paroles de Cedrik et je regarde dans la direction qu'il m'indique.*

- Merci! Je te vois plus tard? Il faut absolument que je lui parle!

*Je lui fais un signe de main et je m'éloigne rapidement en direction de ma patronne.*

- Bonjour, je suis Nancy Holbrook!

Je hoche la tête:

-Alors bienvenue! On se revoie plus tard! Tchao!

- Parfait, son cas va être réglé tout de suite, j'attends que Lou ait fini son service pour la metttre au courant.

Elle a pas mal de travail à faire, je ne vais pas la déranger maintenant, malgré le fait que la nouvelle que j'ai pour elle soit heureuse.
J'appelle Agatha et l'attend. Je l'emmène avec moi dans la réserve situé derrière la réception.

- Aghata, tu es encore une fois en retard.
- Oui, je sais bien mais ...
- Non, pas cette fois, tu prends tes affaires et tu quittes l'île. C'est un retard de trop.
- S'il vous plait...
- Non, la décision est prise en accord avec Mrs Twain. Je fais ton chèque pendant que tu ramasses tes affaires.

Elle sait bien que je ne reviendrai pas sur ma décision, elle s'exécute. Pendant ce temps là, je prépare moi même un chèque de salaire pour le début du mois, lui tend. Elle le prend et sort par la sortie des livreurs.
Je retourne dans l'accueil, m'approche de Lou et lui dit.

- Ton service se finit à 12h30, je voudrais que tu passes me voir dans ma bureau juste après.

Je hoche la tête. Ce genre de rendez-vous, ce n'est jamais très bon. Mais je n'ai absolument rien à me reprocher. Je continue donc mon travail, aussi tranquillement que possible. Les deux futurs mariés veulent une balade à cheval pour cet après-midi. Il y a déjà les japonais.

-Oui, c'est entendu. A quelle heure est-ce que vous voulez monter?
-Oh, heu, ça nous est un peu égal... Dans la soirée.
-Vers 18heures?
-Oui, ce serait parfait! A la convenance du moniteur d'équitation pour l'endroit!
-Je le préviens.

Ils s'en vont, ravis. J'appelle Andrew et le mets au courant de son nouvel emploi du temps.

Après l'avoir mise au courant du rendez vous, je m'en retourne à mes occupations, content d'avoir enfin renvoyé Agatha.

HJ : c'est pas Andrew qui est à l'équitation ?

hj: si, c'est Andrew, j'ai édité! merci!

Je passe par le hall et hèle deux de mes employés, qui sont encore là:

-Allez, vous deux, on commence dans dix minutes. Le magasine sort demain, on a encore du boulot.

Je sais, 8h, c'est tôt. Mais quand on fait un magasine de mode, les horaires n'ont aucune importance. On se détendra après. La mode n'attend pas.

hj: si quelqu'un a envie de refaire un personnage, Gilles a besoin d'un bras droit, homme ou femme!

J'entre dans le hall, mes bagages derrière moi, sur un cadi poussé par un employé de l'hôtel. Gilles a dit suite n°3. Apparemment, il s'est déjà occupé de tout. Mais je suis un peu perdue ici. J'ai l'habitude des voyages, Vladivostok, Saint Pétersourg, Moscou, New York, Londres, Rome, Paris finalement, et enfin, cette île. Je crois que j'ai besoin de stabilité, à l'heure qu'il est!

Je passe par l'accueil, on a une réunion importante pour le magasine et je dois passer à l'accueil chercher la clé de la salle de réunion. Je crois Gilles et quelques employés en train de se faire rappeler à l'ordre.

- Bonjour Gilles. Je passe prendre le pass pour la salle de réunion, on se retrouve là haut dans cinq minutes, ca te va ?

J'attends que la réceptionniste raccroche le téléphone et lui dis avec un accent chinois à peine perceptible:

- Bonjour, j'ai réservé la salle de réunion pour ce matin 8h, je viens chercher le pass.

Je fais un signe de tête à Yao. Content que quelqu'un d'autre que moi se bouge dans ce magasine! M'enfin, Yao, c'est limite s'il n'est pas plus perfectionniste que moi. Pas étonnant que lui aussi soit sur le pied de guerre. Je croise Andrea qui papote avec Thibault:

-Si vous n'êtes pas en haut dans 5 minutes, vous pourrez vous trouver un autre boulot. Non mais on croit rêver!

Ils débarrassent le plancher en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Je sais que je passe pour un tigre, dans le milieu, mais si tu ne les tyranises pas, c'est mort avant d'avoir commencé, tu peux fermer le journal.

Et devant l'entrée, Sasha. Cette fille, je l'ai trouvée à Moscou, en prenant un café dans un bar miteux. Et elle va faire la une du magasine, après avoir fait fureur dans tous les défilés depuis deux ans. Je lui fais signe et m'adresse à l'employé:

-Mettez ses bagages dans sa suite. Merci.

Un pourboire plus tard, je me retourne vers notre couverture de ce mois-ci:

-Bon voyage? Tu es pile à l'heure, on va commencer. Suis-moi.

hj: on enchaine dans la salle de réunion?

-Voilà Monsieur. Bonne réunion.

Je lui tends le passe, avec un sourire.

- Merci. Bonne journée.

Je repars comme je suis venu, très vite. Il n'y a pas de temps à perdre.

Je me précipite à la suite de Gilles. Il marche vite, et à grands pas, je cours presque derrière lui. Je bouscule, sans le faire exprès, une jeune femme.

-Excusez-moi, je suis désolée!

Et je me précipite à la suite du rédacteur.